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mercredi 31 mars 2010, par
Les travaux du politologue français, François Burgat, constituent pour l’essentiel une tentative de « théoriser » et de rendre attrayante l’idéologie réactionnaire et capitaliste des islamistes, qui représentent la plus virulente des forces politiques au service des féodaux et de certaines fractions de la bourgeoisie musulmane, notamment compradore.
Précisions d’emblée que notre politologue, pour prévenir d’éventuelles objections, et outre ses nombreuses confusions et amalgames dans le lexique et les périodes, parsème ses textes de tours de passe-passe sémantiques, qu’il pourrait exciper par un : « J’ai pourtant bien précisé que... ».
Les islamistes seraient les vecteurs de la modernité du « Nord » « judéo-chrétiens » dans le monde musulman et parmi les minorités musulmanes d’Occident
Cet universitaire semble « découvrir », des décennies, après la gauche arabe et celle des pays musulmans, la nature foncièrement politique et non religieuse des mouvements islamistes. De plus, selon lui, ces derniers lutteraient pour introduire dans les pays musulmans, les valeurs du « Nord » judéo-chrétiens, telle que la « démocratie, la laïcité, les droits de l’homme... ». On reste interloqué par une telle assertion, lorsque l’on sait- et Burgat, plus que tout autre- que les principaux doctrinaires de toute la mouvance islamiste dans le monde, ne sont autres que Mohammed ibn Abdelwahab, Ibn Taymia, El Mawdoudi, Qichq, Qotb..., c’est-à-dire les auteurs des interprétations les plus réactionnaires de l’islam. Autre élément : le farouche combat des islamistes contre ces valeurs, combat mené, soit ouvertement, soit sournoisement, selon que le rapport de forces soit en leur faveur ou non. Eh bien non ! nous prévient-il ; les islamistes feignent seulement de rejeter ces dernières, alors qu’en réalité, ils n’en refusent que la terminologie, qui sert à les nommer, terminologie associée, selon lui et les islamistes, dans l’imaginaire des peuples musulmans, aux entreprises coloniales, néocoloniales et impérialistes. Ce rejet, qui ne serait donc qu’apparent, est en fait une « réappropriation » de ces valeurs par eux, en vue de les réintroduire dans les sociétés musulmanes, par le biais d’un lexique et de référents culturels locaux, avant tout religieux. « les sociétés [du Sud] réintroduisent les références de leur culture locale-la culture musulmane [sic]- dans les différents niveaux, esthétiques, idéologique... ou politique, de décorer sa maison, des façons de parler et de penser, des références philosophiques, littéraires ou politiques, des modes de raisonnement juridique, que l’irruption des modèles occidentaux avaient discrédités, retrouvent ainsi irrésistiblement leur crédibilité et leur attraits perdus ». [c’est moi qui souligne, H.A] François Burgat serait-il un fieffé réactionnaire sur le plan social, en comparaison à Mahfoud Nahnah, Frère musulman algérien et ancien leader du Mouvement de la société pour la paix (MSP), qui aimait répéter dans ses déclarations que : « Si le Prophète [Mohammed] était de notre temps, il s’habillerait en costume d’alpaga ». D’ailleurs, un grand nombre d’aspects du mode de vie et institutionnels occidentaux sont adoptés par les sociétés et les Etats musulmans. Ils auraient pu l’être davantage, si les islamistes et les pouvoirs en places avaient accepté d’aller plus loin, sans craindre de perdre certains de leurs privilèges. Notre spécialiste de l’islamisme ajoute que cette « réappropriation » consiste à expurger la modernité de ses contingences historiques (européocentriques), afin d’en conserver ses invariants universels.
Si l’on en croit ces affirmations, les islamistes ne combattraient pas la laïcité, en tant que telle, mais seulement, parce qu’elle serait reliée, selon lui, à un sombre passé, dont la responsabilité incombe à ses promoteurs, et parce qu’elle a évincé la chari’a de la gestion de la Cité. Or l’essence même de la laïcité n’est-elle pas la séparation des Eglises et de l’Etat ? Pour appuyer cette assertion, notre auteur n’a pas trouvé mieux que d’appeler en renfort le salafiste, Omar Aderrahmane, l’un des commanditaires de l’attentat criminel, de février 1993, dans les sous-sols du Word Trade Center, à New York, attentat qui avait fait six morts et un millier de blessés, parmi des innocents. « du fond de la prison américaine, écrit-il, Omar Abderrahmane vitupère les « soixante-dix années sans chari’a » qu’il rend responsable de tous les maux des musulmans ». Liess Boukra, sociologue algérien, comble opportunément le « déficit » en information de Burgat, en indiquant que ce leader islamiste dirigeait « depuis plusieurs années, le centre des réfugiés Al-kifah, à New York ; un centre où se recrutent les volontaires du Djihad. Durant la guerre en Afghanistan, il a été utilisé comme centrale de recrutement par la CIA. »2
De plus, il est notoire que les islamistes vouent aux gémonies la laïcité, car elle les prive de leur fonds de commerce : la redoutable arme de la religion. Aussi, n’hésitent-ils pas à mentir effrontément à son sujet, en violation des prescriptions du Coran, et à falsifier la signification de l’un des principaux piliers de la modernité politique, en vue de provoquer son rejet par les musulmans, en leur affirmant que la laïcité est synonyme d’athéisme.
François Burgat nous rassure par ailleurs qu’il a : « fréquenté suffisamment de près de leaders ou de militants islamistes au cours de dix-sept années que j’ai vécu dans le monde arabe. », pour être en mesure de jeter aux orties les définitions de ce courant politique, qu’en donnent des « professeurs de criminologie » sur les plateaux de télévision. Il définit quant à lui « l’islamisme [...comme] avant tout l’usage du lexique musulman dans la sphère politique... »
C’est par une telle ineptie que notre chercheur veut nous faire croire que les islamistes n’instrumentalisent pas sans vergogne l’islam en vue d’instaurer une théocratie, comme mode de gestion du politique, afin de permettre une exploitation féroce de la e ouvrière et des masses laborieuses musulmanes. Faisons observer que, quelques années plus tard, celui-ci nous informe que désormais les notions de mouvement « islamique » ou « islamiste » sont inopérantes, car elles couvrent une réalité disparate. Il ne continuera pas moins- quelques... mots plus loin- à employer ces deux termes, sans craindre la contradiction. La pression ( ou revanche ?) inéluctable de l’islam sur le judaïsme, le christianisme et la civilisation occidentale Selon notre auteur, ce que l’on désigne par « retour du religieux », à travers la « réislamisation », dans les pays musulmans, ainsi que la « rejudaïsation » et la « rechristianisation », dans le monde judéo-chrétien, couvrent, sous un vocabulaire religieux, un malaise et des aspirations parfaitement profanes ; l’emploi du vocabulaire religieux ne devant donc pas faire illusion. Il n’aime toutefois pas l’expression « refus de tous les intégrismes », qui assimile le premier processus aux deux autres. La « réislamisation » s’en différencieraient fondamentalement, par ses perspectives historiques progressistes, qui seraient selon lui tout à l’opposé des deux autres phénomènes. Ces derniers seraient appelés à se muer immanquablement en « intégristes ». L’islamisme serait quant à lui en train d’achever sa phase « intégriste », depuis la fin des années soixante-dix, phase qui aurait terni à tort son image. L’achèvement de cette phase s’accomplirait, sous l’effet conjugué du développement économique et social, et de l’ouverture démocratique dans les Etats musulmans. De plus, « en terre chrétienne du Nord, la réalité d’un « retour du religieux » est loin d’être établie. » Il est surprenant que François Burgat puisse effectuer pareils comparaisons et avancer de tels pronostics concernant ces deux derniers phénomènes, alors que leur existence n’est même pas prouvée ?
Comme illustration parmi d’autres de la « modernité islamique », notre universitaire nous cite ces berbères algériens, qui, en adhérant à la cause islamiste, se seraient par la même occasion, délestés de leur carcan « ethnique », qui les maintenait dans un « ghetto politique ». A le suivre, ce sont les tueurs du FIS qui sont imprégnés des valeurs de la modernité politique, et non pas les militants des partis démocratiques, modernistes et laïques du Front des forces socialistes de Hocine Aït-Ahmed, et du Rassemblement pour la culture et la démocratie, de Saïd Sadi.
Il ajoute, en colportant en partie, les proclamations des islamistes radicaux, confortant ainsi les théories musulmanophobes des adeptes du choc des civilisation, en prédisant aux deux autres processus (de « rejudaïsation » et de « rechristianisation ») de sombrer dans l’intégrisme, sous la « pression de l’islam » (encore une confusion sciemment entretenue, qu’il emprunte aux islamistes) « idéologique » (islamiste ?) et « sociologique » (entendre le poids numérique grandissant de l’immigration musulmane en Occident) « sur la civilisation occidentale », et sur le christianisme et le judaïsme. François Burgat donne ainsi raison aux néoconservateurs et aux racistes de tous poils en Occident de mettre en garde leurs concitoyens, contre les menaces que feraient peser l’islam et les musulmans sur leur identité et leurs valeurs.
La « modernité islamique » assigne les musulmans à un retour préalable à l’ état « théologique »
L’intéressé nous précise cependant que « Le processus [...] de restauration des références [...] induit inévitablement [c’est moi qui souligne, H.A] des formes de rupture avec ce que le « progrès », c’est-à-dire, pas seulement technique mais aussi intellectuelle et politique, a depuis lors apporté à ces sociétés [musulmanes] ». Ainsi, pour que les peuples musulmans puissent accéder à la modernité, notre universitaire leur inflige un retour préalable à l’aube de l’humanité, en refaisant le chemin de celle-ci tel que tracé par Auguste Comte, à savoir les états « théologique », puis « métaphysique » et enfin « positif ». En termes crus, les musulmans seraient condamnés à subir le purgatoire d’une phase de transition, qu’il est difficile d’appeler autrement que dictature islamiste.
Burgat pousse le zèle encore plus loin que les islamistes les plus obtus, jusqu’à parler de bannissement temporaire par les islamistes de la technologie dans les sociétés musulmanes. Bref, une société à la Khmer rouge. Alors que les Etats islamistes, gr ce à leurs richesses colossales, figurent parmi les plus gros consommateurs de technologie, et qu’Al-Qaïda use d’une technologie ultra-sophistiquée, pour massacrer des musulmans et des innocents dans le monde.
La prétendue « efficacité » du discours et des référents islamiques
Notre chercheur aborde une autre idée, au prix d’un énième parti pris flagrant en faveur des islamistes et au mépris de l’objectivité à laquelle il est tenu en tant que chercheur. « Pourquoi, selon lui, le lexique et le référentiel de la culture islamique ont acquis, dans des mobilisations sociales [...], une « efficacité » supérieure à ceux qui les ont précédés et notamment, ceux du nationalisme « ethnique » (arabe) dit « laïque » ». D’abord, cette prétendue « efficacité » du discours et des référents islamiques n’est ni plus, ni moins efficace que le discours et le référentiel nationaliste et racial ou racialiste, tout aussi populiste et démagogique de l’extrême droite européenne et des évangélistes états-uniens qui surfent, à l’instar des islamistes, sur les frustrations des es populaires. Cette « efficacité » s’inscrit dans une conjoncture nationale et internationale marquée par l’offensive de la réaction et de la contre-révolution ultra-libérale, dont les organisations islamistes constituent, à des degrés divers, l’un des détachements, à l’échelle du monde musulman. Les quelques contradictions, secondaires et bien circonscrites, qui peuvent quelquefois les opposer à leurs homologues occidentaux ne changent pas fondamentalement la donne. Cette prétendue « efficacité » le doit aussi pour une part non négligeable aux milliards de dollars que leurs parrains saoudiens, kowéitiens, etc. leur déversaient, ainsi que des tonnes de littérature religieuse et politique, et des cassettes audio et audio-visuelles à contenu obscurantiste, anticommuniste, antisémite, misogyne. Ce discours et ce référentiel « islamiques » justifient par la volonté divine l’inégalité entre les hommes et les femmes, et entre le riche et le pauvre, glorifiant la propriété privée, prônant la charité à la place de la solidarité et la résignation de es, au lieu de la lutte des es. De même, ils propageaient des slogans tels que « Ni Est, ni Ouest ! », qui n’est qu’une adaptation du slogan nazi : « Ni capitalisme, ni socialisme ! ».
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