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POTERIE DANS LA WILAYA DE BOUIRA (ALGERIE)

Les efforts de développement contrariés

lundi 15 mars 2010, par Lyazid Khaber

Plusieurs mois sont passés depuis le lancement du SPL (système productif local) lancé en grandes pompes par le département de Mustapha Benbada, et dont la wilaya de Bouira compte l’un des projets pilotes inscrits dans ce programme aux allures ambitieuses, la filière de la poterie, choisie comme activité initiale retenue pour ce programme, n’arrive pas à sortir de l’ornière. L’avis n’est pas le notre, mais celui des professionnels du domaine, ceux-là même dont la plupart a choisit plutôt de changer d’activité, abandonner totalement l’artisanat ou tout au moins verser dans le commerce de la revente des produits « bon marché » inondant à présent des espaces de plus en plus nombreux.

Les passagers dans la wilaya de Bouira, notamment ceux empruntant le tronçon de la RN5 ou l’autoroute, devraient remarquer un foisonnement spectaculaire de baraques de fortunes, érigées des deux abords de la route et qui ont pour vocation l’exposition d’une variété incommensurable de produits artisanaux, particulièrement de la poterie. Certaines localités en ont fait même une vocation, à l’instar de Aomar gare (22 Km au nord-ouest de Bouira), ou encore la petite localité de Kalous, à quelques encablures au sud de celle-ci. Ces derniers mois, concurrence oblige, mais aussi par effet d’entraînement causé par l’ouverture de l’autoroute contournant ces localités, c’est les localités d’El Adjiba, Ighrem ou encore Ahnif à l’est de Bouira, qui se découvrent un intérêt particulier accordé à ce créneau jusque-là peu connu. Cependant, le plus important n’est toutefois pas dans la multiplication des lieux de vente de ces produits, mais plutôt dans le fait de savoir si cet engouement est le fruit d’une évolution de la filière où pas. En effet, de la poterie l’on n’a que le marché « noir » n’obéissant à aucune règle, que ce soit en matière de prix pratiqués ou des produits proposés à la vente. Les entreprises productrices ? Elle se comptent au bout des doigts et sont totalement artisanales, pour ne pas dire archaïques. Production désuète dont seul le fait d’être produite sur place lui accorde un certain intérêt. Sinon, par ailleurs, les connaisseurs en la matière évoquent l’inondation du marché parallèle de produits souvent importés, faits sur mesure à des fins de réduction du prix de revient, mais aussi peu adaptés aux normes requises. L’on parle de produits tunisiens qui envahissent ces espaces non contrôlés. Des produits qu’on dit même qu’ils représentent un danger pour la santé publique !

M. Arezki Khendriche, président de la chambre régionale de l’artisanat et des métiers, et non moins propriétaire de l’une des plus importantes fabriques de poteries de la wilaya de Bouira, que nous avons interrogé, ne cache pas sa déception quant à l’évolution peu enviable de la filière. Selon lui « les produits artisanaux, ayant d’abord une connotation et une dimension culturelle, doivent bénéficier d’un intérêt particulier de la part de nos responsables ». Cependant, les choses semblent se présenter tout autrement à en croire notre interlocuteur. Pour lui « les producteurs potiers peinent à trouver des débouchées viables et des circuits de commercialisation à même de mettre en valeur un produit local fait suivant les normes requises et qui par conséquent, se fait produire à un prix de revient beaucoup plus élevé ». Notre interlocuteur qui dit que le produit local est apprécié au-delà des frontières, notamment en France où il y a une demande croissante, évoque le fait que les embûches administratives causent souvent du tort aux producteurs qui trouvent du mal à faire sortir leurs produits.

Au niveau national, particulièrement au niveau de cette wilaya (Bouira) donnant toute l’allure d’une expo permanente de produits artisanaux, la réalité est beaucoup plus cinglante qu’on le crois. Cet avis est partagé par plusieurs producteurs potiers avec qui nous avons eut à nous entretenir. Les produits tunisiens envahissent le marché parallèle et se place en premières loges des ventes effectuées de par les prix bas appliqués. Les consommateurs ne sachant plus de quel produit il s’agit, semblent par le fait de ce foisonnement des points de vente, dans des endroits souvent incommodes (les abords de routes) s’intéresser plutôt aux prix au détriment de la qualité. Un fait qui pénalise les producteurs locaux pour qui la production est chiffrée à des prix souvent supérieur aux prix de vente en détail des produits étrangers. Le hic, les services du ministère concernés, saisis par les producteurs depuis déjà de longs mois, semblent ne pas broncher.

Du coté des services de la wilaya, l’heure est à la fanfaronnade. L’on parle d’un « processus d’évolution remarquable ». A se fier aux chiffres avancés par la direction de la petite et moyenne entreprise et de l’artisanat (Pmea) de la wilaya, pas moins de 1870 artisans sont recensés à la fin du mois d’octobre dernier. L’on n’y décompte pas moins de 1267 dans les métiers de l’industrie traditionnelle des services, 345 dans la production de biens et en fin 260 dans les métiers de l’artisanat traditionnelle. Promotion de l’investissement : un leitmotiv qui revient sur toutes les langues ; l’on évoque l’accompagnement des petits promoteurs artisanaux, comme un point d’honneur avec en soubassement le financement pris en charge par le Fonds national de promotion des activités traditionnelles. A en croire ces chiffres, abstraction faite à la réalité du terrain, la wilaya de Bouira peu bien espérer ravir la palme d’or. Le dernier bilan établi par la direction de la PMEA, estime l’enveloppe allouée en 2008 à 14 millions de Da pour la réalisation de pas moins de 150 projets. Pour rester dans le domaine de la poterie, la wilaya de Bouira a été choisie – parmi les sept autres à l’échelle nationale pour le lancement de projets pilotes du SPL – pour la mise en œuvre d’un plan de régulation de la filière (poterie). Les professionnels du métier n’ont pas échappé à l’engouement du début mais ont vite déchanté. La commodité de commercialisation promise excelle par son absence caractérisée. Les problèmes que le SPL promettait de résoudre sont, visiblement, en l’état. L’objectif de création d’un circuit de production et de commercialisation adaptée demeure donc difficile à atteindre. Les potiers, cherchent à présent une sortie salutaire qui, selon eux, ne peut se faire sans l’implication de tous les partenaires économiques locaux mais surtout de l’autorité de régulation du marché. En somme, et en dépit des promesses du ministre de l’artisanat, la poterie est loin de constituer un circuit économique à même de créer des richesses durables, ne serais-ce dans cette wilaya où l’artisanat demeure la profession des « pauvres ».

Lyazid Khaber

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