Accueil > Arts / Culture > Culture et Arts : La critique, l’information et les sorties culturelles. > 2- LA VIE LITTERAIRE. > Le Rendez-vous des civilisations : livre de Youssef Courbage et d’Emmanuel Todd
"Musulmanophobie", le concept qui détermine le racisme qui vise les musulmans.
dimanche 3 juillet 2011, par
L’ouvrage, Le Rendez-vous des civilisations, de Youssef Courbage et d’Emmanuel Todd1 se veut une réponse à des thèses telles que celles contenues dans des livres tels que celui du, Choc des civilisations, du néoconservateur états-unien, Samuel Huntington, membre du courant politique, connu comme l’un des instruments les plus serviles du complexe militaro-industriel états-unien.
Les coauteurs y réfutent la conception essentialiste de l’islam ; une conception qui constitue souvent l’antichambre de la musulmanophobie. Selon cette thèse, les musulmans sont culturellement réfractaires à la modernité, à cause de leur croyance en l’islam, lequel est la cause de tous leurs maux, et qui constitue de surcroît une menace pour l’Occident.
Les deux auteurs s’appliquent méthodiquement à mettre en pièces cette contre-vérité dans le domaine de la démographie. Selon eux, l’islam n’est pas plus nataliste ou populationniste que le judaïsme, le christianisme, le bouddhisme, l’indouisme, l’animisme… Et pour cause ! L’Europe judéo-chrétienne a connu elle aussi une forte croissance de sa population, jusqu’au milieu du XVIIIe siècle, avant d’entamer la transition vers la modernité démographique.
Cette dernière se définit par des taux très bas de natalité et de mortalité. Elle a également pour corollaire un taux de fécondité universel de 2,10 enfants par femme, permettant le renouvellement normal d’une génération.
Ils en veulent aussi pour preuve par exemple l’entrée entre 1985 et 1990 des deux-tiers des pays arabes dans cette transition. Il s’agit de l’Algérie, de la Libye, de la Mauritanie, de l’Irak, de la Syrie, du Soudan, de la Jordanie et l’ensemble des monarchies du golfe.
Ceci est illustré par la chute de leur taux moyen de fécondité, en l’espace d’une génération, seulement. Il est passé de 7,5 enfants en 1975, à 3,6 enfants en 2005. Les autres pays musulmans ont connu le même phénomène. Leur taux moyen, qui était de 6,8 enfants, n’est plus que 3,7 enfants par femme.
Avec 2,34 enfants en moyenne, les pays du Maghreb se situent en tête de classement en matière de baisse de fécondité. Ils sont suivis de près par les pays musulmans ex-socialistes avec une moyenne de 2,54 enfants par femme. Cependant, les taux de fécondité dans la quasi-totalité des pays musulmans du Proche, Moyen et Extrême-Orients n’ont pas encore franchi le plancher de 3 enfants.
Mais les mauvais élèves sont (temporairement) le Yémen etles pays musulmans d’Afrique Noire. Ils en sont à la phase initiale de cette transition, avec une moyenne élevée de 5,9 enfants par femme. Un taux au demeurant pas si éloigné que celui des pays chrétiens de cette région du monde et aussi dans d’autres coins de la planète.
Comme toute moyenne, ces taux cachent des disparités, parfois considérables entre pays. C’est ainsi que cette fécondité n’est plus en Bosnie que de 1,2 enfant, au Liban de 1,69 enfant, en Azerbaïdjan de 1,70 enfant et au Kazakhstan de 1,89 enfant. Soit des taux inférieurs à celui de la France, qui tourne autour de 2,10 enfants. Les femmes musulmanes d’autres pays ont une fécondité semblable ou proche de celle des Françaises, à l’instar des Iraniennes qui mettent désormais au monde en moyenne, 2 enfants, des Tunisiennes, 2,02 enfants, des Albanaises, 2,15 enfants, des Turques, 2,35 enfants, des Marocaines, 2,43 enfants, des Algériennes, 2,57 enfants, et des Libyennes, 2,85 enfants.
Cette baisse sensible de fécondité n’est d’ailleurs pas propre aux sociétés musulmanes, tant elle est devenue un fait mondial. Le moteur en est le contrôle moderne des naissances.
Si pour les prophètes de malheur les cultures sont des faits irréconciliables, annonciateurs de conflits futurs, nos deux spécialistes estiment au contraire que l’avenir tend, c’est inéluctable, à un rapprochement des cultures humaines.
L’ouvrage ne comporte pas moins quelques idées fort discutables. Nous en citerons deux principales.
C’est ainsi que les intéressés confondent, modernisation et modernité, concepts qui se réfèrent pourtant à deux réalités différentes. La modernisation est relative à un processus anhistorique. Par exemple, le passage du véhicule à essence au véhicule électrique. Alors que la modernité désigne un état de civilisation, apparu à un stade donné de l’histoire de l’humanité, à savoir à partir de la Renaissance au XVe siècle, en Europe. La modernité politique par exemple se caractérise fondamentalement par la substitution du pouvoir de droit humain au pouvoir de droit divin.
De même que selon les deux auteurs, c’est la transition vers la modernité démographique, qui est la cause entre autres des révolutions anglaise de 1640, française de 1789, bolchévique d’Octobre-1917 en Russie tsariste, chinoise de 1949 sous la direction de Mao Tsé Toung, du renversement du Chah d’Iran en 1979, de la guerre civile au Liban de 1975 à 1990, du terrorisme islamiste, en Algérie, dans les années 1990 et 2000, etc. Cette transition entraînerait une révolution des mentalités, qui déstabiliserait individus et sociétés, et qui aboutirait à ces violences.
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