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Birmanie : violences interconfessionnelles

Plus de 20.000 musulmans ont été tués par le Gouvernement militaire.

mercredi 18 juillet 2012, par Bouklachi

Le 28 mai 2012, Ma Thida Htwe, une jeune birmane de 27 ans, a été violée puis tuée par plusieurs individus
dans la ville de Kyaukphyu, dans l’Etat d’Arakan (ouest du pays). Ce crime qui aurait été commis par des
hommes Rohingya a déclenché des affrontements interconfessionnels meurtriers entre bouddhistes et
musulmans dans l’Etat d’Arakan.

Le 3 Juin : un bus transportant dix passagers identifiés par erreur comme appartenant à l’ethnie « Rohingya »
a été intercepté près de la ville de Taungup par une foule en colère. Les 10 pèlerins musulmans voyageant
dans ce bus ont été battus à mort, et la seule femme présente violée. Bien que, cinq jours plus tôt, la police
locale ait arrêté trois hommes soupçonnées du crime, la raison invoquée à ce lynchage est que la foule a
attaqué le bus en croyant qu’il transportait les responsables du meurtre de la jeune femme bouddhiste.

Le 8 Juin : Des violences ont éclaté dans le canton de Maungdaw quand une foule de musulmans s’est mise
à jeter des pierres sur les b timents officiels et sur des entreprises locales après la prière du vendredi dans
une mosquée locale (raison officielle ?). La police a tiré des coups de semonce afin de disperser la foule. La
foule aurait ensuite mis le feu à des maisons habitées par des membres de la minorité ethnique Rakhine
de confession bouddhiste. Des bouddhistes ont également lancé des attaques de représailles contre des
villages musulmans. Selon un porte-parole du Parti démocratique national pour le développement, parti
issu de la minorité Rohingya, des émeutes ont éclaté après que les forces de sécurité ont ouvert le feu sur
des musulmans tuant plusieurs d’entre eux.
Dans le but de rétablir l’ordre, les autorités ont imposé le 8 Juin un couvre-feu pour une durée indéterminée
et une interdiction des rassemblements publics de plus de cinq personnes dans plusieurs cantons de la
région. Les autorités ont également déployé des troupes supplémentaires pour prêter main forte à la police
locale et à la NaSaKa (les forces de sécurité frontalières) et ont expédié des navires de guerre dans les eaux
territoriales de la Birmanie au large de la côte d’Arakan.

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Le 10 Juin : le président Thein Sein a imposé l’état
d’urgence dans l’Etat d’Arakan, qui serait en vigueur jusqu’à nouvel ordre et aurait permis à l’armée de
prendre le contrôle administratif de l’Etat d’Arakan. Cet état de fait permet à l’armée de procéder à des
arrestations et de détenir des individus sans garantie de procédure légale. Alors que l’armée birmane a
en grande partie essayé de contenir les violences, il y aurait eu ces dernières semaines une recrudescence
d’exactions commises par les forces de sécurité contre la communauté Rohingya .
Malgré la réponse des autorités, les violences semblent s’être poursuivies avec des émeutes entre musulmans
et bouddhistes rapporté dans plusieurs villes de la région entre le 8 et le 19 Juin. Le 26 Juin, les autorités ont
déclaré qu’il y avait eu 97 affrontements entre 28 mai et le 24 Juin.
Selon les chiffres officiels, 78 personnes auraient été tués et un total de 3158 maisons ont été détruites à la
suite des troubles qui ont eu lieu entre le 28 mai le 24 Juin.
Cependant le nombre de morts et de personnes
blessées devraient largement dépasser ces chiffres. Mais le gouvernement interdisant l’accès à la région
aux journalistes étrangers, aux travailleurs humanitaires et aux diplomates, il est très difficile d’obtenir des
informations fiables.

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Selon une Organisation de défense des Rohingya basée au Royaume-Uni (Burmese Rohingya Organization
UK - BROUK) au moins 650 Rohingya auraient été tués et plus de 1200 seraient portés disparus en raison
des violences. De nombreux rapports, dont le contenu est pour l’instant difficile à confirmer mais crédible,
rapportent que de graves violations des droits de l’homme sont commises par les forces de sécurité du
régime (l’armée, la police et la NaSaKa) dans les cantons de Maungdaw et Buthidaung contre des villageois
Rohingya. Les abus incluent notamment des exécutions extrajudiciaires, des viols de femmes, des
arrestations arbitraires et des cas de torture. La NaSaKa, établie ans la région depuis 1992, a systématiquement
ciblé les Rohingya. Les abus contre les Rohingya, y compris les attaques à caractère sexuelle de la NaSaKa
contre des femmes Rohingya seraient pour la plupart directement motivées par le racisme. Ces informations,
par leur similitude avec les récits des méthodes brutales utilisées depuis 30 ans par le régime militaire contre
les Rohingya, incitent à penser que la réalité est effectivement éloignée de la version officielle.
Selon l’organisation Human Rights Watch, les forces de sécurité ont violemment attaqué des villages
principalement habités par des Rohingya dans le canton de Maungdaw, ont tiré sur les villageois et ont pillé
les maisons et les commerces. Dans plusieurs villages, la police et la NaSaKa ont traîné des Rohingya en
dehors de leurs maisons et les ont violemment battu. Des Témoins résidant dans des villages du district de
Maungdaw ont déclaré que des dizaines de personnes, dont des femmes et des enfants, ont été emmenés
mi-Juin dans des camions de la NaSaKa vers des destinations inconnues, et n’ont pas donné signes de vie
depuis.

1 - Le rapporteur spécial des Nations unies sur les droits de l’Homme en Birmanie a par ailleurs indiqué que
« Les tensions sous-jacentes qui découlent de la discrimination contre les minorités ethniques et religieuses
sont une menace pour la transition démocratique de la Birmanie et sa stabilité », et a appelé « toutes les
parties à la retenue, au respect de la loi et à s’abstenir de toute violence »
.

2 - Crise humanitaire : Plus de 90 000 déplacés, le Bangladesh ferme ses frontières
Selon les autorités, les troubles dans l’Etat d’Arakan auraient déplacé plus de 52.200 personnes qui ont été
hébergés dans les 66 camps de réfugiés installés dans la région.

3 - Toutefois, l’ONU estime que près de 90.000
personnes ont été déplacées et ont urgemment besoin d’assistant humanitaire.

4 - Des centaines de Rohingya ont cherché à échapper aux violences dans l’Etat d’Arakan en cherchant refuge
au Bangladesh, avant que les autorités du pays ne les repoussent vers la Birmanie. Du 3 au 18 Juin, plus de
2.000 Rohingya, principalement des femmes et des enfants, ont tenté de traverser la rivière Naf dans des
embarcations de fortune afin d’entrer au Bangladesh, mais ont été refoulés par les autorités bangladaises. Les
garde-frontières du Bangladesh continuent de repousser les bateaux, alors que les Nations unies ont appelé
Dacca à laisser sa frontière ouverte.

5 - « Sur ces bateaux, il a y a des femmes, des enfants et des blessés. Nous
appelons le gouvernement du Bangladesh à laisser ses frontières ouvertes et à fournir une aide humanitaire
d’urgence », a déclaré à Dacca un représentant de l’agence des Nations unies pour les réfugiés (UNHCR), Craig Sanders.
Les autorités bangladaises ont renforcé la sécurité le long de la frontière terrestre avec la Birmanie, longue
de 200 km, ainsi que sur la rivière Naf, pour enrayer le flux de réfugiés. Selon les chiffres officiels, 300 000
Rohingya vivent au Bangladesh, notamment dans deux camps de réfugiés dans le sud du pays.
Les troubles ont causés de graves difficultés pour des milliers de personnes dans l’Etat d’Arakan.

Le 22 Juin,
l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) a décrit la situation dans l’Etat d’Arakan comme « tendue
et fragile » et a averti de la possibilité d’une grave crise humanitaire due aux violences sectaires en cours et
aux mauvaises conditions de vie dans les camps de personnes déplacées.1
Daw Aung San Suu Kyi : Etat de droit et nécessité de l’amélioration de la loi sur la citoyenneté
pour faire face aux troubles
En Juin, Daw Aung San Suu Kyi a abordé la situation dans l’Etat d’Arakan à plusieurs reprises :

-6 Juin : Daw Aung San Suu Kyi s’est déclarée préoccupée par la gestion de la situation par les autorités
locales, en particulier leur incapacité à freiner le sentiment antimusulman qui s’est propagé dans tout le
pays. Aung San Suu Kyi a déclaré que les tueries ont été engagées avec l’intention d’élargir les clivages
sectaires. Elle a appelé les bouddhistes à « avoir de la sympathie pour les minorités »

-14 Juin : Daw Aung San Suu Kyi a déclaré que la Birmanie avait besoin « de lois très claires et précises en
ce qui concerne la citoyenneté » et « une vigilance frontalières non corrompue et plus responsable » pour
régler la situation dans l’Etat d’Arakan. Elle a affirmé que les violences se poursuivraient à moins que l’Etat
de droit soit assuré et cque haque citoyen puisse bénéficier d’une protection égale. Aung San Suu Kyi a
également déclaré que les troubles dans l’Etat d’Arakan devraient être « manipulés avec délicatesse et
sensibilité ».3

-26 Juin : Daw Aung San Suu Kyi a réitéré l’importance de la mise en place d’un Etat de droit en vue de
résoudre les conflits. Elle a déclaré que la Birmanie devait veiller à ce que ses lois sur la citoyenneté soient
« en conformité avec les normes internationales ».
Le gouvernement resserre le contrôle sur les médias
Les troubles sectaires dans l’Etat d’Arakan ont entraîné des restrictions accrues sur les médias indépendants.
Ainsi, le 10 juin 2012, lors d’une conférence de presse relayée par le journal Irrawaddy, le ministre en chef de la
région de Rangoon, Myint Swe, a ouvertement menacé les médias de sanctions pénales en cas de couverture
des affrontements « portant atteinte à la sécurité de l’Etat ou relayant des informations pouvant nuire à l’ordre
public »
.

De son côté, le général Tint Swe, chef de la Division d’enregistrement et de vérification de la presse
(Press Scrutiny and Registration Division, PSRD), communément appelé bureau de la censure, a ordonné aux
médias de soumettre leurs articles sur les violences dans l’Etat d’Arakan pour validation, rétablissant de facto
le système de censure préalable qui avait presque cessé d’exister depuis le début de l’année.
Les menaces du gouvernement n’ont pas tardé à être mises à exécution. Après la publication, le 9 juin 2012,
de la photo de la victime du viol par l’hebdomadaire Snapshot (Hlyat Tabyet en birman), la PSRD a décidé, le
jour même, de suspendre indéfiniment la licence de publication du journal.

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Les autorités dans l’État d’Arakan ont aussi sévèrement restreint l’accès des journalistes aux zones qui ne se
trouvent pas sous le contrôle de la Tatmadaw.
Alors que le régime était occupé à museler les médias indépendants, les médias d’Etat ne se sont pas abstenus
d’utiliser un langage incendiaire. Le 5 Juin, le journal d’Etat le New Light of Myanmar a évoqué les victimes
de l’attaque du bus du 3 Juin dans l’État d’Arakan, comme « Kalar - un terme péjoratif pour les musulmans ou
les personnes d’apparence indienne.
Pendant ce temps, des discours haineux visant les musulmans et les Rohingya se sont propagés à travers
l’Internet. Des milliers de commentaires haineux sur les Rohingya sont parus sur les sites Web, blogs,
réseaux sociaux, qui dans de nombreux forums en ligne birmans ont été référés à des chiens, des voleurs,
des terroristes, des envahisseurs, terroristes islamiques, et d’autres termes péjoratifs.

Selon Reporters sans frontières, la couverture médiatique des violences communautaires qui ont éclaté dans
le pays, et les mesures prises par le gouvernement en réponse au traitement de l’information concernant les
affrontements entre les communautés ainsi qu’avec les forces de sécurité, constituent de nouvelles menaces
à l’encontre de la liberté de l’information en Birmanie.
“Pour l’instant, le gouvernement n’a fait qu’alléger son contrôle abusif de la presse. Ne sachant pas
véritablement accompagner celle-ci dans le nouvel environnement politique et économique qui se dessine
à grande vitesse, les autorités ont répondu de manière épidermique aux trop grandes libertés, selon elles,
que s’arrogeaient les médias », a indiqué Reporters sans frontières dans un rapport sur la crise dans l’Etat
d’Arakan et les menacent pesant sur la liberté dinformation

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