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ALGERIE : Mémoire de militant

(Extraits) d’ouvrage à paraître...

dimanche 21 octobre 2012, par Djamal Benmerad

J’étais jeune et presque beau, et la ronéo au fond de la salle m’interpellait : je venais de rencontrer mon rêve d’adolescent : faire un journal. Du coup, le bac devenait presque accessoire.

Livre : nouvelle biographie du Che.

Signé du journaliste algérien Djamel Benmerad.

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Par Djamal Benmerad -

<le.brasier.yahoo.fr>

J’allais vers mes 17 ans et le passage de l’examen du bac - après mon magistère j’avais plus appris dans la rue que durant mes années ennuyeuses en sciences po - lorsqu’un copain de quartier (Hussein Dey) m’apprit qu’il y avait pas loin une salle où on pratiquait le karaté. Je savais que les arts martiaux disciplinaient l’esprit et ô combien j’avais besoin de discipliner le mien ! Je m’y inscrivis donc, non sans remarquer une ronéo au fond de la salle.

J’étais jeune et presque beau, et la ronéo au fond de la salle m’interpellait : je venais de rencontrer mon rêve d’adolescent : faire un journal. Du coup, le bac devenait presque accessoire.
hommage à che guevara et à tous les défenseurs des causes justes (Idir)

Au prochain entrainement, je demandai donc à l’entraineur le double des clés « pour me parfaire ». Ce qu’il fit sans ronchonner. Dorénavant j’avais la ronéo pour moi et mon amie, qui avait une vieille Olivetti à la maison, s’occupait de taper les textes sur stencil. La semaine d’après je publiais le premier numéro de mon journal à 200 exemplaires. Le journal s’appelait « La Rue ». Il parlait, de manière vigoureuse, de questions et de préoccupations communales. Puis, un certain succès aidant, le journal passa à la vitesse supérieure en parlant de questions nationales, voire internationales dont le sujet se limitait à parler de la guerilla sandiniste au Nicaragua.

Nous atteignîmes 3.000 exemplaires, et comme nous n’avions aucun moyen nous décid mes de ventre le journal à 1 dinar, ce qui représentait l’équivalent d’un café-crème mais qui nous permettait d’acheter quelques rames de papier. Je l’épaissi, en outre, de quelques pages d’actualité internationales. Mes sources étaient les bureaux des mouvements de libération établis à Alger (Alger, la Mecque des révolutionnaires à l époque).

Les visiteurs du soir

Un soir je reçus une personnalité duFLN m’indiquant que si je continuais la diffusion de La Rue j’allais avoir des problèmes dans mes études. Je lui répondis par des grossièretés que je n’oserais rapporter ici.

(…)

Arriva une terrible nouvelle : la mort de Boumediene. Je réalisais un numéro spécial de La Rue avec comme exergue cette citation de Boumediene : « Si un appareil bourgeois s’installe dans ce pays, avec son administration et sa police, c’en est fait de la dignité du travailleur ». Les algériens n’allaient pas tarder à en confirmer la pertinence. En fouinant un peu, je découvris que le PAGS avait, tout en étant clandestin, soutenu Boumediene.

Mois d’une semaine plus tard, je reçus la visite de deux personnes, se disant envoyées par le Parti d’Avant Garde Socialiste (PAGS), et me demandant de rejoindre ce parti. Avant leur départ ils me déposèrent le programme du PAGS en me promettant de revenir la semaine d’après.

Je le lus et trouvais que c’était mieux que la social-démocratie que proposait certain parti clandestin mais largement toléré, bien que le programme du PAGS n’était pas assez radical à mon goût, même s’il me paraissait assez avancé.

J’adhérais donc au PAGS en gardant, au fond de moi, mes réserves. Je passais près de deux mois en cours théoriques. J’avais déjà auparavant lu Marx qui parlait tant des travailleurs sans avoir lui-même jamais travaillé, étant entretenu pécuniérement par Engels. Je lui préférais Lénine qui, pour moi, était un pédagogue de la révolution car il explicitait comment organiser celle-ci.

(…)

Arriva l’examen du bac que j’obtins avec la mention bien. Dès lors, le PAGS me chargea du recrutement en milieu étudiant, à la fac’ centrale. Mais celle-ci était sous la domination des bouyalistes, islamo-intégristes qui y faisait régner la terreur. Le PAGS se fendit, à l’intention des militants, d’un communiqué « pacifiste » : « Ne pas répondre à la provocation ». Ce n’était donc que de la provocation les jets de vitriol contre des étudiantes et le tabassage des étudiants soupçonnés de progressisme ? Je répondis avec un tract appelant à « La violence révolutionnaire contre la violence intégriste ». De fait, nous organis mes, quelques militants du PAGS, des militants du Groupe Communiste Révolutionnaire (GCR) et du Parti Socialistes des Travailleurs (PST), des « Brigades de vigilance ». En fait, des commandos anti-intégristes. Lors de nos bagarres avec les intégristes et des interventions de la police, celle-ci embarquait uniquement les militants progressistes. Mais la peur venait de changer de camps, comme dirait l’autre, et les intégristes se faisaient tout petits, certains d’entre allèrent jusqu’à raser leur barbe.

(…)

Je reçus ma carte de dispense du service national. C’était automatique : les fils de chahid étaient dispensés du service militaire. J’écris au commandement de la 5ème Région militant où j’affirmais que je déclinais cette dispense. Je ne reçus aucune réponse. J’étais frustré et me sentais diminué par rapport aux jeunes de mon ge.

Arriva quelques mois plus tard un émissaire du journal L’Unité, qui était l’organe officiel de l’UNJA et l’organe officieux du PAGS mais dont le directeur n’en était pas militant, qui me dit qu’ « Au lieu de publier un journal ronéoté, pourquoi ne pas travailler dans vrai un journal ? » Je répondis que je me préparais à entrer à la fac. Il me rassura en disant que mes horaires au journal seraient aménagés en fonction de mes horaires universitaires.

Aussitôt dit, aussitôt fait. Si bien qu’il m’arrivait même de faire mes devoirs au sein du journal. Mais j’avais déjà une idée derrière la tête concernant le service militaire, d’autant plus qu’on était en vacances universitaires.

Je pris rendez-vous avec le bureau d’Alger du Front Polisario et l’on m’y reçut le lendemain. Je leur fis part de mon souhait de faire un reportage au Sahara occidental, dans les zones de combat. On me remit une lettre de recommandation. Après quoi je demandai au journal un ordre de mission pour Tindouf, sans préciser la date de retour de mission. Ce que j’obtins. Je donnai alors au Front Polisario ma date de départ. Arrivé à Tindouf, une Land Rover m’attendait et m’emmena au camp de réfugiés sahraouis. Je fus reçu par Mohamed Salek, ministre de l’Information de la RASD à qui j’expliquai ce que je voulais. Le lendemain à l’aube on me réveilla pour m’emmener vers une colonne de Land Rover. On partit jusqu’à Tifariti, territoire libéré de la RASD, où je commençais mon instruction militaire qui dura 15 jours au bout desquels j’arrivai à couper d’une balle de kalachnikov une cigarette à une distance de 100 mètres. Dès lors on m’autorisa à garder la kalachnikov en me recommandant de me préparer. Les combattants sahraouis allait faire une opération de harcèlement et je devais les accompagnais.

Moins d’une semaine plus tard, vers minuit, notre colonne s’ébranla et non loin de Dakhla, les combats commencèrent. La bataille prit fin à l’aube avec la débandade des soldats marocains et la capture de 11 des leurs.

(…)

Je venais de réaliser mon premier reportage de guerre et, surtout, d’effectuer mon service militaire !

A mon retour à Alger je reçus un bl me du PAGS « pour ne pas avoir informé au préalable le Parti ». La distance entre le PAGS et moi s’agrandit lorsque survinrent les grèves historiques d’El Hadjar, Sonelec, Simotra, et dans certaines catégories du le secteur privé où les syndicats étaient particulièrement dynamiques, qui inaugurèrent, en 1979, la désignation du fat Chadli Benjeddid à la magistrature suprême. le PAGS diffusa un tract qui appelait à « La modération des luttes sociales dans le cadre du consensus social ». Quel consensus et par et avec qui qui a-t-il-été conclu ?

Je diffusais le même jour une violente réponse sous forme d’un tract ayant pour titre « On veut émasculer les travailleurs ». Je publiais un tract public tandis que les déclarations du PAGS s’adressaient uniquement aux militants du parti. Il était donc loin du compte !

Le PAGS répondit que c’était « Une manœuvre de la réaction visant à diviser les travailleurs ». Pire, il publia un communiqué dans lequel il affirmait son « soutien critique » Chadli Benjeddid. Après avoir soutenu Boumediene, il soutenaitChadli. Toujours à la recherche d’un parrain. C’est « la quête d’un père », pour reprendre une expression freudienne.

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Après la mort de Boumediene, qui avait mis durant tout son règne le FLN au rencart, et l’accession au pouvoir par l’analphabète Chadli, un autre analphabète mais plus retors que Chadli, fut propulsé à la tête du FLN. Il s’agissait du sieur Mohamed-Cherif Messadia. La première mesure qu’il prit fut la promulgation de l’article 120. Cet article interdisait à quiconque, responsable d’institutions et d’organisations de l’Etat et organisations de masse du FLN... s’il n’était pas membre du FLN. C’était du Mac Carthysme version FLN. Certains carriéristes, membres du PAGS, choisirent de quitter leur parti d’origine et d’adhérer au FLN. D’autres choisirent de garder leurs convictions et de démissionner de leur poste. Certains rejoindre les chômeurs, d’autres l’exil où ils furent recrutés par de grandes entreprises. Le FLN acheva L’Unité en l’arabisant. Puis survint l’arabisation du journal L’Unité où je travaillais. Le directeur du journal choisit de quitter plutôt que se soumettre au diktat du FLN. Quant à moi, je choisi d’être licencié, une lettre de licenciement étant pour moi un trophée.

Toujours à la recherche du fun et d’un licenciement pour le panache au lieu d’une démission, j’écrivis une lettre au nouveau patron du FLN lui disant entre autres que « Je me refuse à écrire dans la langue du colonisateur, l’Arabe qui est resté, même si je fus obligé d’écrire dans la langue de celui que nous avons chassé : le Français ».

(…)

Mais les contradictions du PAGS se révélèrent au grand jour à l’occasion du Printemps berbère. Alors que les 2/3 de comité central étaient kabyles, le PAGS se fendit à cette occasion de deux déclarations : l’une disait « Halte à la manipulation », et l’autre, plus grave, disait « Halte à la division » où il parlait d’ « atteinte à l’unité nationale ». Moyennant quoi, le PAGS avait entamé sa chute sur une pente très savonneuse.

Je démissionnais de ce parti avec fracas, entraînant avec moi une large partie des militants que j’avais recrutés, dont quelques arabophones. Je repris la publication de la La Rue et devint plus acharné dans mes études.

La raison d’être d’un parti était la lutte pour la conquête du pouvoir, mais le PAGS, qui était le parti le plus structuré d’Algérie, ne cherchait pas le pouvoir - s’en croyait-il incapable ? - de même qu’il était idéologiquement plus pro soviétique que communiste. Or, depuis Kroutchev, le PCUS relevait plus de la gérontocratie bureaucratique que du communisme.

La preuve de l’attachement du PAGS à son parrain en est son auto-dissolution juste après l’effondrement du « grand frère » soviétique.

Lire les articles de Djamal Benmerad sur POPULI-SCOOP.

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Signé du journaliste algérien Djamel Benmerad.

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